Elle fut l’une des plus grandes couturières françaises du XXème siècle et ses innovations dans l’univers de la mode sont encore aujourd’hui d’actualité. Retour sur l’histoire de la créatrice de mode Madeleine Vionnet.

La naissance d’une passion

Madeleine est initiée très rapidement à l’univers de la couture puisqu’à l’âge de 12 ans, en 1888, elle débute un apprentissage chez une voisine couturière. C’est là qu’elle découvre et prend goût très rapidement à toutes les techniques de l’époque. En effet, l’année suivante, la jeune adolescente prend ses valises et monte à Paris afin de découvrir les subtilités de la mode auprès du couturier Vincent, alors installé rue de la Paix. Mais Madeleine a soif d’apprendre et c’est à l’âge de 20 ans que la jeune femme s’émancipe pour partir découvrir les techniques anglaises de la mode auprès de Kate Reily. Elle y habille alors la bourgeoisie locale et y apprend les techniques des tailleurs britanniques. 

1.Bourgeoises anglaises entre 1910 et 1920
2.Modèle signé Kate Reily
3.Finitions Haute Couture
Photos : DR
Robe en tissu lamé des sœurs Callot.
Photo : DR
Révélation d’un talent de génie

Le déclic vient lorsqu’elle retourne à Paris afin de travailler pour la très célèbre maison de couture des sœurs Callot. Ces quatre sœurs sont de véritables orfèvres de la mode: elles utilisent des tissus lamés, brodés de fils  d’or et d’argent pour créer de somptueuses tenues du soir, très courues dans les années 20 «Grâce aux sœurs Callot, dira Madeleine Vionnet, j’ai pu faire des Rolls-Royce. Sans elles, j’aurais fait des Ford». 

Madeleine est alors une femme très en vogue et les couturiers ne tardent pas à s’arracher ses talents. C’est chez Jacques Doucet qu’elle apporte une première révolution en retirant définitivement l’usage du corset dans l’ensemble de ses tenues. La nouvelle est accueillie de manière mitigée: pendant que certains crient au scandale, d’autres trouvent l’idée révolutionnaire.

Au vu de l’immense succès de ses créations, elle décide de voler de ses propres ailes et ouvre sa première boutique au 222 rue de Rivoli à Paris. La clientèle ne tarde pas à se presser dans cette nouvelle adresse incontournable. Une signature est née. 

Contrainte de devoir fermer sa boutique pendant la Première guerre mondiale, elle continue pour autant à créer et son imagination débordante lui permet d’innover et de marquer ainsi l’histoire de la mode. Elle ouvre à nouveau sa maison en 1918.

Les révolutions Vionnet

Ses robes, audacieuses pour l’époque, libèrent la femme grâce à des coupes plus vaporeuses, mais elles se distinguent principalement grâce à d’extraordinaires drapés qui épousent les formes du corps. La couturière fait preuve d’une précision hors norme, ses coupes sont pures et ses tenues sont d’une grande élégance. Précision et féminité, le succès est alors retentissant. Madeleine invente également le manteau de ville: à la fois élégant, cintré tout en laissant le corps libre de ses mouvements, il a un succès retentissant.

Créations de Madeleine Vionnet.
Photos : DR

 

Schéma de coupe en biais.

Où excelle-t-elle ? Dans la maîtrise de la coupe qui octroie à chaque tenue un tombé parfait. Madeleine Vionnet est aussi connue pour être l’initiatrice de la coupe en biais, utilisée encore aujourd’hui. Jamais inventée jusqu’alors, cette coupe réalisée dans le biais du tissu rend le tombé du vêtement plus souple, plus fluide que celui réalisé dans le droit-fil.

C’est à cette même époque qu’elle se fait copier sans vergogne cette nouvelle invention. Loin de se laisser abattre, la créatrice se bat et gagne un procès historique. C’est ainsi qu’elle met au point une autre invention avant-gardiste: le copyright. Sur chacune de ses créations, la couturière appose un numéro de série… et son empreinte digitale !

Portrait de Madeleine Vionnet.
Photo : DR

Cette créatrice d’avant-garde, l’est également d’un point de vue social. Soucieuse du bien-être de ses employées, elle leur accorde des congés payés et des congés maternité bien plus avantageux que ce que les lois en application à l’époque exigent. Elle va jusqu’à leur offrir une cantine, un cabinet médical gratuit ainsi qu’une crèche pour soutenir les mères de famille.

Employées de la maison Vionnet, photo : DR
Visionnaire et unique 

En 1923, Madeleine Vionnet ouvre une nouvelle boutique plus spacieuse à l’avenue Montaigne. Celle-ci devient  un véritable temple de la mode. Plus les années passent, plus le style Vionnet s’affirme : les drapés sont réalisés de manière architecturale. La créatrice a en effet l’habitude de créer ses modèles sur un mannequin miniature en bois.  Cette méthode originale lui permet de visualiser les formes et rondeurs de la femme. Alors que d’autres préfèrent les cacher, Madeleine Vionnet désire les mettre en valeur avec élégance et finesse. Elle dit d’ailleurs de sa signature:

«Si l’on peut dire qu’il existe une école Vionnet, c’est surtout parce que je me suis montrée une ennemie de la mode. Il y a dans les caprices saisonniers, fugitifs, un élément superficiel et instable qui choque mon sens de la beauté»,
confiait Madeleine Vionnet en 1937.

Madeleine Vionnet au travail avec son mannequin miniature.
Photo : DR

Elle prend sa retraite lorsque débute la Seconde Guerre mondiale. Elle continue dans l’enseignement  et œuvre à transmettre ses techniques de  coupe dans une école parisienne. L’écriture et le jardinage font également partie de ses occupations . Madeleine Vionnet décède à l’âge de 98 ans et laisse à la mode un héritage inestimable, très inspirant pour les couturiers d’aujourd’huiet de demain!

Photo d’archive de la boutique Vionnet, Avenue Montaigne à Paris
La boutique actuelle située à quelques pas de l’ancienne.
Photos : DR

Nous vous recommandons la lecture du magnifique roman de Madeleine Chapsal (filleule de Madeleine Vionnet) : « La chair de la robe », édition Fayard.